BELLEM, sorcier à Harzé.

 

Résumé de la vie de BELLEM à Harzé tiré du livre "Bellem, sorcier d'Ardenne", écrit par le Docteur Louis THIRY d'Aywaille.

 

Henri BELLEM serait né le 13 janvier 1725, issu de Jehan-Joseph BELLEM, pauvre bûcheron et de Marie-Anne... . Mais les historiens ne disent rien de leurs familles. Trois ou quatre enfants dont une soeur minimum grandiront à ses côtés. Son lieu de naissance n'est pas connu exactement mais on peut affirmer que c'est dans la région de Ferrières, Burnontige, Werbomont, Chêne-al-pierre, Izier... que Henri vit le jour. 

Enfant, BELLEM fuyant enseignement et curés devint pâtre, gardant chèvres et moutons au long des chemins. 

Un soir il a vu droit devant lui un grand feu montant droit en l'air. S'approchant, Henri ne vit personne alentours mais trouva le feu bien ardent pourtant sans fagot ni brindille pour l'alimenter. Le jeune garçon craintif s'éloigna alors en se retournant souvent et tout-à-coup le feu disparut comme il était apparu. Apeuré, BELLEM rentra chez lui et n'en dit mot à quiconque. Le lendemain la surprenante scène se reproduisit mais cette fois le jeune berger décida de se réchauffer près de ce feu étrange et d'allumer sa pipe à ces belles flammes claires en se saisissant d'un tison qu'il avait remarqué au milieu du brasier. Mais quand le reste du morceau de bois dont une partie avait brûlé toucha la pipe il sonna comme s'il fût de pierre. Rentré chez lui, BELLEM voulant vider sa pipe, vit, avec surprise, tomber une pièce d'or à la place de la cendre. Il garda pour lui son ducat et son secret mais ne revit plus le feu les jours suivants.

A 14 ans, Henri décida de quitter le foyer familial et de gagner sa vie. Arrivé à Grand-Trixhe il rencontra un vieillard qui lui renseigna une bonne place, de bons maîtres qui ne regardent pas à la nourriture si l'on est courageux. "Le varlet qui y travaillait a dû revenir au village pour aider sa mère tombée veuve. Il y gagnait six couronnes et une paire de souliers à Noël; mais vous, mon garçon, on ne vous donnera pas autant tout de suite : vous êtes encore petit et n'avez pas encore servi" dit le vieil homme.

BELLEM s'informa du nom et de la distance et il ne put s'empêcher de rire quand l'homme lui dit que c'était à Paradis. "Quoi, dit Henri, aurait-on jamais cru que j'arriverais si facilement en paradis !".

BELLEM marcha encore une bonne heure avant d'arriver à la ferme de Paradis où il fut, selon l'usage, accueilli tout de suite et l'hospitalité traditionnelle lui assura le gîte et le couvert. La ferme appartenait à ce moment là à Sire Gérard HOUSSONLOGE, curé de Sougné. "Bien vrai qu'il nous faut un varlet , dit la censeresse (fermière) : mais tu es bien jeune pour faire le poste, mon petit. As-tu déjà travaillé ? Henri dit alors leur misère d'Ardennais et comment pour se rendre utile , il avait quitté père et mère pour chercher une place et son espérance de se faire accepter. "Je ne suis pas exigeant et je n'ai pas peur de l'ouvrage; et puis, j'aurai quinze avant la Chandeleur" argumenta le jeune homme.

On convint de trois couronnes et d'une paire de souliers; puis, s'il était gentil, de menus cadeaux supplémentaires. Dire que BELLEM était au comble de ses voeux serait beaucoup dire, mais trois belles couronnes d'Autriche c'est quelque chose, et puis la curiosité de BELLEM trouvait dans ce nouveau domaine de quoi se satisfaire. D'autant plus que le vieux vacher présent à la ferme n'était pas dénué de connaissances variées et aussi qu'un certain grenier, où s'empilaient de vieux livres de toute sorte, ne tarda pas à retenir l'attention du jeune ardennais. Principalement le fameux livre d'Agrippa (livre de magie qui s'intitule : Les oeuvres magiques d'Henri-Corneille AGRIPPA), du Trésor du Vieillard des Pyramides (grimoire reprenant 24 talismans avec leur notice explicative) et du Grimoire du Pape Honorius (recueil des plus rares secrets).

Henri furetant comme un jeune rat dans le grenier parvint sans attirer l'attention ou sous prétexte de s'instruire à emporter, quand il allait aux champs, quelques livres de ce tas abandonné, à moins qu'il n'y jetât coup d'oeil furtif à la veillée, quand près de la lamponette il pouvait s'installer. 

Après le printemps, l'on arrivait à la saison qu'en ce pays on appelait "fenal-mois" (mois de la fenaison ou juin), BELLEM aidait à toute main, à grande satisfaction et vrai profit de ses maîtres. Mais cependant il semblait inquiet, comme tourmenté. Accompagnant ses maîtres le dimanche et les fêtes à la messe à la chapelle des Pouhons, il se tenait toujours sous les arbres à l'entrée, mais hors de la chapelle, comme si il n'aimait s'y trouver. Il prétextait qu'il suait des pieds et pourrait incommoder les autres fidèles ou bien qu'en sortant à cause de la sueur refroidie il aurait les pieds faibles par la suite. Continuant à lire des livres de sciences maudites il apprit pourquoi jadis il avait vu grands feux et qu'il avait trouver un ducat et aussi comment on peut tirer de terre des trésors, même inconnus. 

Henri acquit alors la réputation d'être taiseux et mystérieux mais comme il travaillait fort bien, adroitement, qu'il rendait service, était respectueux et bon à tout il passait seulement pour peu enclin à rire et bavarder.

En octobre, il rendit visite à sa famille pour la fête de son village natal qui tombait, dit-on, en ce mois. Il fut accueilli à grande joie dans sa pauvre maison où il apportait belle santé, gage entier et bonnes nouvelles : il était déjà "redemandé" (réengagé) pour un an et dès le lendemain il était de retour à Paradis.

Un soir de vendredi ayant terminé son travail plus tôt que de coutume, BELLEM sortit pour prendre l'air. Le long des lisières du Bois Coppin il gravit un vieux chemin qui rejoignait, au-dessus de Houssonloge, l'ancienne voie romaine quand tout à coup, dans la nuit, brilla devant ses yeux la flamme claire sans braise ni tison qu'il connaissait bien. Il voyait ce feu au carrefour, à gauche de la fontaine et malgré lui ses pieds le portaient vers le brasier. Le jeune homme, craintif en temps ordinaire, marcha alors droit vers l'apparition en murmurant en guise d'oraison "Ame de païen ou de chrétien, esprit du ciel ou de l'enfer, qui que tu sois, tu me diras aujourd'hui ton secret !".

Quand il parvint exactement au carrefour, la flamme parut s'arrêter, grandir encore et comme un serpent de feu, se tordre sur elle même et BELLEM, ébloui, ferma un moment les yeux, la main devant le visage. Quand il regarda de nouveau, il vit assis sur la Pierre aux Hotlis (pierre aux hotteurs, porteurs de hottes. Monolithe d'origine inconnue, borne selon les uns, monument druidique d'après d'autres, qui se dresse à la croisée de deux voies très anciennes, dont l'une au moins est romaine. Aujourd'hui, le tracé de routes nouvelles et des constructions paraissent avoir modifié les lieux qui,à l'époque de BELLEM, étaient une vaste étendue de fagnes avec quelques rares maisons entourées de zones défrichées) un homme de haute stature qui lui dit : "Que demandes-tu, l'ami, au marchand des quatre chemins ? Je suis celui qui, à cette heure, peut tout, tu as lu le Livre et connais mon pouvoir. Demande et tu recevras ! Depuis longtemps, invisiblement à tes côtés suis, mais voici que ton désir m'a fait du monde invisible en forme visible devenir".

BELLEM balbutiait : "Tu peux tout ? Vraiment tout ? Même les trésors ...?

"Tous les trésors cachés" répondit l'autre.

"Même les pouvoirs ?"

"Tous les pouvoirs ! Mais qu'en ferais-tu ?"

"Même les plaisirs ?"

"Tous les plaisirs ! Mais à quoi bon ?"

"Voire" dit BELLEM. "Je voudrais être fort pour être plus fort et plus adroit que tous autres, manger à ma faim et boire à ma soif et trouver toujours au fond de ma besace de quoi payer mon dû".

"Mais tout cela, tu le sais,  je te le donne" dit l'autre. "Je te veux donner en outre d'être craint et respecté, d'avoir à ton gré plus que le nécessaire et aussi  de pouvoir à ton gré châtier qui t'offense. Mais tu es à moi et je te dirais ce que tu fasses... Rien de difficile, sois tranquille... Tu vivras longues années et je te protégerai et puis ... nous nous reverrons..."

"Maître" dit BELLEM, "c'est là plus que jamais pauvre homme comme moi n'espéra !"

"C'est bien" dit l'inconnu. "Tu es raisonnable et je t'agrée. Tope !"

BELLEM topa et l'Homme noir, gardant sa droite en la sienne, toucha de l'autre main l'épaule gauche où BELLEM sentit "une brûlure comme si feu l'eût ardé et piqûre comme par mouche avant l'orage". Plus tard il trouva sur son épaule une trace noire comme un doigt. Le lendemain il vit avec surprise ses yeux bruns qu'ils étaient, devenus gris-verts comme ceux de chats. Or, chats souvent, chacun le savait, cachent, sous leur débonnaire apparence et soyeux pelages, redoutables sorciers...

Ce jour là, le censier de Paradis dit à BELLEM d'aider le vacher à l'épandage du fumier sur les terres. Pour commencer ils devaient aller au lieu-dit "Sur la Fagne". Très tôt le matin le vacher avait commencé à conduire le fumier tandis que BELLEM avait dû aider les femmes à traire les vaches, garnir les râteliers de fourrage et balayer la cour. Ce qui fait que le vacher avait déjà déposé de nombreux tas de fumier sur les terres et que c'est BELLEM qui devait tout étendre. Mais il se sentait fort fatigué de son étonnante soirée. 

"Varlet il va falloir se démener un peu pour avancer la besogne" dit le vacher. 'Car le maître veut que pour lundi nous allions commencer ailleurs, à la Heid de Mal-venu ! Il est parti à cheval à la piquette du jour pour ramener du marché d'Aywaille des nouvelles bêtes pour l'élevage d'hiver".

Bellem pensa alors qu'il avait reçu la veille le pouvoir et que c'était l'occasion de le tester. Sans se presser il commença à étendre le fumier. Quand le vacher fut parti, il sorti de sa poche un petit livre qui ne le quittait pas et relut à voix basse la conjuration : "Tu le peux et tu l'as promis, quand sera temps alors oeuvre se fera suivant mon gré".

Et aussitôt le fumier se mît à voltiger par terre et en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, l'épandage fût fait et bien achevé.

Sur ces entrefaites, le vacher arrivait avec une nouvelle charge et, étonné du travail déjà terminé dit à BELLEM :"Comment, tu m'as déjà rattrapé ? Tu n'as pourtant pas l'air d'avoir fort sué à la besogne !"

BELLEM répondit : "Chaque chose en son temps l'ami. Mais décharge ta charrette et tu verras comment je sais oeuvrer quand le temps presse".

L'autre bascula sa charrette. "Regarde" dit BELLEM. Et lui plaçant sa main sur l'oeil comme si ce fût une lunette d'approche. Le vacher vit alors une multitude de corbeaux étalant le fumier comme mille ouvriers attelés à la besogne. ''Tu vois ? Ce n'est pas plus difficile que ça ! J'ai trouvé aide et secours au moment  qu'il fallait".

L'autre en demeura tout confus et ébahi, mais ne sut que dire, croyant que son compagnon de travail avait attiré les corbeaux avec de la nourriture ou du breuvage. Pourtant il ne comprenait pas qu'il ne voyait les corbeaux qu'avec la main de BELLEM placé en lunette sur son oeil ! 

"Ne te plairait-il pas l'ami de ta désaltérer avant pus grande fatigue ?" Questionna BELLEM.

"Bien attrapé serais-tu mon camarade si je te disais oui  : car je vois bien que tu n'as ni plate (gourde), ni coquemard (bouilloire), ni cruche, ni pot ! Et il n'est à la ronde nul cabaret pour y payer la goutte ! Répliqua le vacher.

"Qu'est-il besoin de posson (pinte), ni de plat-cou (verre à genièvre) pour qui sait le mot qu'il faut dire ? Et même veux-je te donner à ta convenance ce que tu voudras et autant qu'il t'en faudra."

Et coupant à un buisson du taillis proche une branchette flexible de coudrier, BELLEM dit : "Eh bien l'ami, as-tu décidé, que veux-tu boire ?

"Cervoise bien fraîche" dit l'autre.

"A ta volonté" répondit BELLEM. Et achevant de tailler la branche au moyen de son couteau, la planta en terre et dit :"Sois servi selon ton désir".

Aussitôt, du col recourbé de la branchette sortit de la bière écumeuse et bien fraîche comme si elle coulait d'un tonneau abroqué (fendu).

En retournant à la ferme BELLEM conseilla : "Si tu es bien malin, garde pour toi ce que tu as bu, vu et entendu !".

 

L'été d'après, BELLEM alla rejoindre le berger aux champs à l'heure de midi, en lieu dit "En Bierlimany". Celui ci mangeait tartines de pain d'épeautre et buvait eau claire puisée à la source des Pouhons, alors jaillissant à la lisière du bois, près du chemin montant à Houssonloge.

"Tu fais aujourd'hui bien pauvre chère, mon ami" dit BELLEM.

"Il n'est pauvre chère quand l'appétit est bon" rétorqua le berger.

"N'empêche qu'un bon morceau ne serait pas de trop quand on passe pleine journée aux champs".  Car on était aux longs jours, proches de la Saint-Jacques qui est fête à Harzé et c'était à ce moment de l'année que les bonnes gens de Harzé étaient occupés à préparer viandes et bouillons, poules bien cuites et tripes succulentes. "C'est bientôt fête à Harzé".

''Ce n'est pas maintenant la fête d'ici (à Paradis)". dit le berger qui ne perdait pas un coup de dent. "Et il n'est pas temps de manger viande à tous les repas. Mais crois-tu que nous serons invités à la fête ?"

"Cela ne veut pas dire qu'on ne puisse y goûter ! Tiens, regarde un peu par là ce qui nous arrive". L'autre regarde bien vite, croyant qu'une de ses bêtes s'était écartée en folâtrant par les buissons. "Je ne vois rien". dit-il. Mais quand il se retourna, il vit devant lui une table bien et agréablement servie : jambon frais, tripes, poularde bien à point baignant dans sa sauce fumante, avec nappe blanche sur le pré et pots ne manquaient point, avec de la cervoise mousseuse et même vin clairet dans une carafe de cristal et même une belle doreie (tarte au riz) formait le dessert, et les premières poires, qu'on dit pour cela de la Saint-Jacques qui voisinaient avec des groseilles bien vermeilles.

"Qu'est ceci ?" fit le berger,presque épouvanté de pareille abondance.

"Tu peux manger, ce n'est pas du bien volé, pauvres gens peuvent bien se régaler du superflu des autres." dit BELLEM courtoisement.

Les deux compagnons firent un bon repas et sachez que, par le pouvoir de l'Autre, BELLEM avait d'un geste et d'un mot, trouvés dans son grimoire, enlevé tout cela des cuisines du château de Harzé où l'on vit seulement deux gros matous qui se sauvaient en emportant une partie des victuailles préparées pour le dîner de fête du Baron et des ses invités.

La saison avançait et une grande sécheresse rôtissait les guérets, brûlait les herbes des coteaux et jaunissait avant la saison les feuilles des arbres. BELLEM se rappela qu'il avait aussi trouvé que les sorciers ont le pouvoir de battre les orages. Il se résolut de savoir si c'était la vérité. S'asseyant auprès d'une petite goffe, tout comme s'il pêchait ou cherchait des écrevisses sous les souches et les racines des buissons, brouilla d'une baguette d'aulne qu'il avait cueillie, la vase du fond et battit l'eau en redisant la formule du grimoire. Il n'avait pas fini que de l'horizon montèrent des nuées noires et épaisses comme broheure (nuée, brouillard) de neige en plein hiver et tout à coup la pluie tomba en averse serrée comme grêle en avril et chaude comme de l'eau cuite. Les bonnes gens des environs, hâtivement courus à l'abri, se demandèrent si le monde allait finir ou si la terre allait s'abîmer sous un nouveau déluge. 

Mais BELLEM, en ayant assez vu, tourna sur lui-même en prononçant d'autres paroles et en traçant un cercle avec sa baguette en l'air et subitement les nuages se fondirent comme ils s'étaient formés et le soleil réapparut plus chaud qu'auparavant. BELLEM rentra alors à la ferme aussi sec que bêtes en étable ou foin sur le fenil; De quoi s'étonnaient fort tous ceux qui le virent. Mais il inventa qu'il s'était tenu à l'abri chez le fermier du Tcheslinfornai, étant, disait-il, descendu le long du ruisseau pour y pêcher et montrant deux belles truites et une douzaine d'écrevisses , dont je n'ai pas besoin de vous dire, bons lecteurs, qu'il n'avait rien pêché de ses mains mais bien par sortilèges.

Tant et si bien qu'advenant ces faits et plusieurs autres aussi merveilleux aux oreilles du censier, celui-ci demanda à BELLEM s'il était vrai qu'il eût pouvoir sur tant de choses. Il ne s'en cacha pas, alléguant que toutes sciences peuvent se trouver dans de vieux livres de gens d'autrefois. Le censier décida alors de parler de ces sorcelleries à son maître et propriétaire de la ferme de Paradis, le curé de Sougné, sire Gérard HOUSSONLOGE. Le curé comprit à demi-mot que BELLEM avait dû apprendre des choses qu'il n'est pas permis à un chrétien de savoir et encore moins de mettre en pratique. il décida alors de bénir et d'exorciser toute la maison, les étables, la bergerie, les granges et fenils, y compris bêtes et gens.Et au grenier il trouva les vieux livres et grimoires feuilletés par BELLEM. Secrètement il donna l'ordre au censier d'allumer un grand feu dans l'âtre de la salle basse et le prêtre y jeta lui-même les livres maudits.  Par deux fois comme bouquettes (crêpes) les livres sautèrent par dessus les flammes comme si leurs couvertures fussent pleine de poudre à tirer. Mais le curé se saisit d'un buis bénit et aspergea les livres d'eau bénite. Et se fit un tremblement de la cave au grenier comme si grand vent se fût soudain élevé et d'aucuns assurent qu'on vit les livres s'envoler par la vaste cheminée comme s'ils avaient eu des ailes. Ne demeura entre les chenets qu'une pincée de cendres toute menue, tandis qu'une odeur de souffre emplissait toute la maison. Mais Bellem avait gardé sur lui le plus petit des livres et aussi son vouloir d'en user et il rit en lui-même des cérémonies du curé, mais il n'en laissa rien voir.

Revint l'époque de la fête au village de BELLEM, comme l'année d'avant il obtint d'y retourner. Mais quand il demanda au censier s'il était redemandé, celui-ci fit semblant de ne rien entendre. BELLEM alors insista : "Maître, dirai-je à père et mère que vous m'avez redemandé ?".

"Nous verrons cela en son temps" dit le censier.

Et par cela, BELLEM sut qu'il avait fini de plaire. Il retourna comme l'an précédent à la grande joie des siens, qu'il trouva bien portant et il leur rendit tout ce qu'il avait gagné et encore d'avantage, car il avait fait secrètement quelques trouvailles par bons offices de l'Autre, le Maître des trésors cachés. Il ne dit pas qu'il devait chercher un autre poste.

Il revint le deuxième jour à la ferme de Paradis, sans gaieté mais toujours aussi têtu et bien décidé à continuer à suivre la voie qu'il avait choisie. Tristes furent les derniers jours qu'il y passa, autant BELLEM taiseux comme à son habitude, autant le censier et les autres lui parlaient peu parce qu'ils "savaient", et le berger et le vacher faisaient de même pour ne pas déplaire au Maître et aussi parce qu'ils avaient crainte de leur compagnon. BELLEM comprit qu'il n'y avait à cela nul remède et qu'il lui fallait bien chercher à se louer ailleurs.

Le dimanche d'après, BELLEM mit son meilleur sarrau et par Houssonloge et les Rixhons (lieu dit entre Houssonloge et Harzé) se rendit à Harzé, disant qu'il y avait à faire et qu'il assisterait à la grand'messe. Mais il s'arrêta à la Franche brassine (ancien restaurant "Au Vieux Harzé", une des plus anciennes maisons du village) pour savoir des nouvelles et vider un pot avec d'autres galefretiers (hommes miséreux, mendiants), habitués d'y célébrer la messe à leur façon avec cartes, dés et jurements malgré les édits qui prohibaient expressément qu'on versât à boire à quiconque durant les offices à l'église.

Le seigneur pour le temps se souciait assez peu de ce que faisaient ses sujets du moment qu ils payent leurs cens, rentes, tailles et  locations. BELLEM apprit que le Baron de Rahier, (4e fils de Godefroid de Rahier, seigneur de Villers aux Tours, et d Anne d Argenteau, lesquels acquirent la seigneurie de Harzé par donation de Frédéric, comte d'Eynatten et de la comtesse Claire Joséphine d'Aspremont-Lynden, lesquels n'eurent pas d'enfants) était un rude luron d'humeur vagabonde et que le nombre de ses châteaux lui permettait de ne pas s'embarrasser du gîte et non marié il trouvait toujours femme au logis et chaussure à son pied. Seul, sire Jean-François Cheveron (Chevron ?), curé de Harzé depuis trente ans parfois faisait des remontrances à ses paroissiens.

Sachez que le censier d'alors était presque le vrai seigneur du lieu. Le Baron lui avait abandonné le château, à l'exception toutefois de l'aile du côté du Levant qui était du côté de l'église d'alors ( chapelle castrale au milieu du vieux cimetière du château), avec cour, portail et terrasse donnant sur l'Aite et le Fond de la Ville, et s'était aussi réservé la petite cour avec colonnades. Tout le reste était retourné à usage de basse-cour dont les granges, étables et écuries formaient un cadre à un énorme fumier. 

BELLEM apprit tout cela et aussi qu'une place allait se libérer comme aide-berger. Il s'informa du moment où il pourrait rencontrer le baron pour demander la place. Mais c'était là le plus difficile, le baron étant tantôt ici, tantôt là. Il avait beaucoup de terres, nombres d'amis et quand il n'était pas chez son oncle à Esneux ou chez son frère à Villers aux Tours on pouvait le trouver à Sûre, à Pesch ou à Rahier à moins que ce ne soit à Florzé. Parfois même il était à Bruxelles mais personne ne savait où et il n'était pas seul...

BELLEM se présenta alors chez le fermier qui le recommanda à l'intendant. Il fut engagé et rentrait quelques jours plus tard au service du Baron de Rahier comme troisième berger.

Il y avait cinq mois que BELLEM travaillait au service du seigneur de Harzé lorsqu'arriva la saison où tout reverdit et vers le même temps on vit un jour un cavalier de noble allure déboucher par Havelange venant hors du bois de Lorcé, accompagné d'une bruyante horde de chiens de chasse. BELLEM était à ce moment là à Piromboeuf d'où il entendit tout le tapage mais sans s'étonner car il savait ce que c'était. Le moment de son repas étant arrivé, il tira de sa mallette des tranches de pain et de lard.

Sachez qu'en ce temps la campagne était rocailleuse et inculte à cet endroit. Le seigneur voulant la mettre en valeur y avait fait de nouveaux  plantisses (jeunes plantations forestières).

Le cavalier accompagné de trois piqueux (homme d'équipage qui s'occupe de la meute au chenil et sert les chiens à la chasse).arrivant près de BELLEM vit avec dépit que les brebis se faufilaient entre les jeunes taillis. "Oh manant, à quel maître es-tu ?" 

"À Monsieur le Baron de Rahier, mon noble maître" répondit le berger.

"Et bien je ne te félicite pas de si mal garder le bien de ton maître car je t'y prends à faire pâturer tes bêtes à laine en plantations nouvellement faites et à gros dépens. Et c'est bien la peine vraiment ! Car je serai forcé dès l'arrière-saison de faire tout recommencer. Chasse moi ces bêtes ailleurs ou mes chiens le feront !"

"Ce serait grand tort à vous messire, car sauf vot' respect, cracher ne faut en l'air, de peur qu'on s'en ressente le visage"

"Eh ! La peste soit du raisonneur, allons, et plus vite que cela  !"

BELLEM sans dire un mot, remit son pain en sa musette, se drapa dans sa houppelande et levant sa houlette comme pour s'y appuyer et en un instant toutes les brebis furent à ses pieds.

Et le seigneur, fort étonné, de s'écrier : "Mais voyez donc ce bonhomme ! Aurait-il par hasard le mot ?"

"Et pourquoi pas messire ?" dit gravement le  berger. "Mais grand souci vous êtes vous donné pour rien, car prenez la  peine de regarder entre mes doigts que voici et vous verrez que vos jeunes arbres nul risque n'ont couru."

Et avançant la main, le pouce et l'index écartés, sous les yeux du baron, ce dernier vit que chaque arbre était proprement entouré d'épines comme d'un corset sans que nul brin de toison ne s'y soit pris. Et il fut encore plus surpris quand la main de BELLEM étant retirée, les arbres reparurent en leur état naturel. Mais le baron crut que c'était un tour de passe-passe et préféra en rire, poursuivant son chemin à la recherche de gibier.

Le lendemain, un des piqueux vint trouver, fort marri, BELLEM qui faisait paître son troupeau non loin des "fourches patibulaires" (gibet, potence) qui se trouvaient près de Babemont. Il se désolait auprès du berger d'avoir perdu la veille sa bourse avec maints couronnes et escalins car le baron, fort généreux, payait bien ses gens. Il conta à BELLEM d'avoir perdu cette bourse, sans doute dans des buissons ou dans une fondrière (trou, souvent plein d'eau ou de boue, dans un chemin défoncé). Et où ?

"Je peux retrouver facilement ton bien" dit BELLEM. "Mais faut-il encore me procurer une chose, et peu commune..."

"Laquelle ?"

"Un mouton vert" dit le berger.

"Tu es bien moqueur et point ne sied d'insulter au malheur d'autrui !"

"A quoi penses-tu donc ?" lui repartit BELLEM. "Je ne me moque point, ni n'insulte personne, mais te demande chose encore plus facile que retrouver ton bien. Et le trouver ne saurais-je sans bête de cette sorte. Va donc et trouve d'abord ce mouton".

Le piqueux s'en alla fort fâché mais étant entré ce soir là boire sa pinte à la brassine banale, il conta son aventure. Ayant d'abord ri de la chose, YERNOTAI, le maréchal-ferrant de Harzé, dit :"Mais mon compère, il n'est d'autre issue que d'être aussi fin que le berger..."

"Et comment donc ?" fit l'autre, qui commençait à croire que Harzé devait être le pays de grands moqueurs. 

"En lui menant ce qu'il te demande ! Et pour cela demande à Jacquemien, le maréchal des bêtes à laine qui demeure ici près, un mouton tel qu'il a et puis de verte couleur teins sa toison. Si BELLEM t'a voulu railler, tôt le saurons, et lui confondu sera : car certes ne pourra nier que ce soit vert mouton comme il a demandé. Et de sa défaite serions-nous bien content pour mettre un peu à bas ce malin berger qui tant nous en fait accroire par ses farces et tours".

"Bien parlé !" crièrent en choeur les buveurs de cervoise.

Sur l'heure le piqueux alla trouver Jacquemien GREGOIRE et lui acheta un mouton maigre et de peu d'apparence, depuis peu tondu, et le teinta de vert de la tête aux quatre pieds. Puis il lui passa un lien au col et le mena le lendemain au berger BELLEM. Or, sachez que le gros YERNOTAI et les autres se tenaient derrières des haies attendant sans rire ce qui arriverait.

BELLEM dit : "C'est bien !". Puis il toucha le mouton vert de sa houlette au front mais sans que personne ne sache ce qu'il avait prononcé. Et voici que le mouton traînant son lien, s'en alla vers Babémont, descendit sans s'arrêter la chera (voie charretière), traversa le fond et remonta la Loupgueule (lieu dit entre Niaster et Harzé) puis il coupa le ruisseau comme s'il allait au Château des Maritchâs (ruines d'origine inconnue sur la rive gauche du ruisseau de Leup-gueuye) et remontant dans les fourrés jusqu'à une petite clairière fort herbue, s'arrêta soudain, attendant ses poursuivants. Il se mit à tournoyer comme une toupie au point que le piqueux s'écria :"Miséricorde, il a le tournis !" (cysticercose cérébrale du mouton caractérisée par un vertige qui fait tourner constamment l'animal sur lui même). 

"Non, mais ton bien se trouve entre ses quatre pieds" dit BELLEM.

Se baissant, le piqueux, sans la voir, mit la main sur la bourse tout pareil que si elle y avait toujours été. il récompensa alors BELLEM selon ses moyens mais celui-ci n'en voulut point, non plus même que du vert mouton que le piqueux voulait lui offrir disant que : "se servait de ce que fallait, mais point ne le gardait à son usage". Et, riant sous cape :" que ne voulait de race si étrange gratifier le terroir de Harzé".

Une autre fois, BELLEM menait son troupeau paître non loin de terre d 'Aywaille, en lieu dit Wenhistet, entre le bois et le ruisseau. En cette fin d'août, le temps était très chaud et les brebis étaient plus remuantes que de coutume, à cause de la chaleur cuisante, des éteules (chaume laissé sur place après la moisson) dures et des mouchettes importunes et aussi à cause de grand bruit que faisaient en jappant les chiens du château qui déjà deux fois avaient traversé l'espace entre le bois et le Tchestai des Maritchâs à la poursuite d'un chevreuil. Le baron commençait à trouver la chasse longue et la chaleur suffocante, assit à l'ombre d'un buisson et demandant qu'on lui apporte de l'eau fraîche ou du vin clairet. Mais ses valets trouvèrent la source du ruisseau à sec et les mules à provisions étaient demeurée en mauvais chemins. 

"Du diable si l'on veut, mais qu'on me verse à boire"  s'écria t-il.

"Pas si haut, Messire, le berger est près d'ici et pourrait vous entendre !" dit un piqueux.

"Que m'importe ? Rien ne peut le berger à ma peine".

"Qu'en savez-vous ?" dit BELLEM qui tout doucement s'était approché et avait entendu les derniers mots.

"Ah ! C'est toi berger ! N'aurais-tu pas dans ta mallette eau fraîche ou plate de pèket ? De soif je crève et ce chevreuil veut, je pense, prolonger sa course jusqu'à mon trépas !"

"Tout beau, donc Messire ! Mais qui vous dit de désespérer ? Au choix vous verserai-je ici ce que Votre Seigneurie voudra bien exprimer désir d'avoir" répondit BELLEM.

"Ah cela ! Berger, voudrais-tu te moquer de ton seigneur ? Ou bien as-tu près d'ici cave ou cellier ".

"Pas bien loin, Messire, et vous puis-je bailler ce que désirez boire ... Fraîche bière de Liège ? Vin d'Anjou, de Bar ou de Champagne ? Vin rouge ou paillet serait, en ce temps chaud, moins délectable que blanc, que vous en semble ?"

"Berger, cesse de railler : tu me fais de male soif sécher ! Tiens, cours plutôt me chercher du vin de Moselle si tu en as !"  supplia le baron en tendant son gobelet d'argent.

Gravement, BELLEM planta en terre sa houlette et, entre le fer et le bois, vit-on sourdre (surgit de terre) filet de vin qui bientôt eut fait d'emplir le gobelet.

"Ah cela, berger ! Serais-tu par hasard alchimiste ou devin ? s'écria le baron, portant à sa bouche desséchée le frais breuvage. "Eh ! Par les cornes du diable ! C'est qu'il a raison : voici le meilleur vin de Moselle que jamais ne bus ! Ah ! Verse encore, houlette enchantée et toi, berger plus aimable que ceux de Monsieur de Racan (seigneur de Aubigné-Racan, commune française dans la Sarthe) sois de ton maître salué comme vrai bienfaiteur !"  Et une fois encore, le baron crut que c'était tour de bateleur plus que de sorcellerie...

 

En ce temps là ( et peut-être encore aujourd'hui, cela je ne le sais ...) les gens de Harzé étaient connus à dix lieues à la ronde pour être moqueurs, fanfarons et parfois rancuniers et quelques jeunes sots se résolurent de tenir un jour celui qu'ils appelaient entre eux, mais bien secrètement, le grimanchin (magicien) ou le macrè (sorcier). Aux premières sises de l'hiver, se rencontraient, en soirée, de nombreux compagnons à la Franche brassine et joyeusement ils passaient le temps à deviser, en maniant des cartes ou des dés ou encore en racontant la plus grosse blague (et parfois la plus grasse car pas de femmes à la brassine pour les entendre); Et souvent, BELLEM était de la compagnie, mais ne jouait pas souvent car comme il gagnait à tous les coups il était craint de ses adversaires. Mais un soir, ayant bu plus que de raison, les plus jeunes de la bande commencèrent à se moquer d'abord tout bas puis plus haut, tout en riant beaucoup de BELLEM qui fumait sa pipe auprès de l'âtre, sans rien dire mais n'en pensant pas moins.

Tant et si loin les choses allèrent qu'il leur dit : "Répondre ne veut à toutes vos blagueries, car pour rioteries (plaisanteries) les tiens, mais, cependant, veux vous amuser un peu".

Il prit alors des cartes sur la table et commença des tours merveilleux, faisant apparaître rois et dames et as comme il voulait, jetant toutes les cartes ensemble et les trouvant ordonnées par valeurs et couleurs, comme si il les avait rangées de ses mains, lançant des cartes en l'air et les faisant retrouver sous un meuble, dans des poches ou des chapeaux.

"Tout cela est bien mais d'autres que toi font autant à la foire des bateleurs et baladins" dit un jeune. "Toi qui sais tout, fais-nous donc voir le diable !"

"Faire voir le diable ne puis" répondit BELLEM. "C'est trop puissant seigneur pour qu'on le dérange, et puis, tous fuiriez de peur".

"De peur, dis-tu ? Mais qui de nous aurait peur ? Nous n'avons peur de rien et ne savons ce que c'est que peur !"  s'écrièrent les plus forsôlés (les plus saouls).

"Mal sied de parler des choses qu'on ne connait pas" dit silencieusement BELLEM.

"Peur ?" s'écria le plus enragé de la bande, qui était le fils du clerc-juré (greffier de la cour de justice). "A moi ? Eh bien ! Je te défie de me faire peur. Quand bien même le vent soufflerait en tempête, que le tonnerre craquerait ! Je les ai entendu déjà ! Et si même en personne apparaissait Belzébuth, les autres peuvent fuir, moi, je ne bougerais".

BELLEM regarda d'un drôle d'air celui qui avait parlé et ne répondit rien. Mais le luron, croisant les bras, se planta devant le berger et lui cria encore dans la figure : "Eh bien ! Qu'attends-tu pour m'éprouver ?"

BELLEM releva les yeux sur le jeune sot et tout-à-coup, se dressant sur sa chaise, cria d'une voix tonnante : "Eh bien ! Puisque tu le veux, retourne-toi et regarde !".

Au même moment,sur la table on distingua un cercueil tout noir, dont le couvercle lentement se souleva, tomba par terre à grand bruit, et d'où issit sur son séant un mort couvert de son suaire. Les gens s'enfuirent en criant laidement et en renversant les meubles, la porte étant devenue trop étroite pour eux. D'autant plus que la lamponnette s'était éteinte et qu'une lueur, comme on en voit que dans l'autre monde, éclairait seule la place comme un clair de lune à son déclin ou des cierges en chambre mortuaire.

Mais quand entra le maître de la brassine, qui s'était enfui avec les autres, plus rien il ne vit et BELLEM aussi avait disparu, quoique personne ne l'avait vu sortir. Et depuis ce temps, se tinrent à bonne distance du berger tous ceux qui l'avaient voulu balleter (moquer,harceler), mais à peine osait-on parler de cette mâle (mauvaise) sise.

 

En ces temps, les routes n'étaient pas tracées comme aujourd'hui. Ainsi, pour aller d'Aywaille à Harzé il était nécessaire de suivre une difficile voie charretière qui se détachait d'une route fort ancienne entre Aywaille et Awan, traversait la campagne et piquait au plus droit sur Babémont d'où l'on descendait pour traverser un vallon près du Loup-Gueule et remonter entre Pavillonchamps et Harzé d'où l'on dévalait vers ce village. A moins qu'on le voulût rejoindre par la Voie du Loup, chemin plus carrossable traversant Fond des Vaux pour atteindre Harzé par l'étang des Ahelires, la Basse et le Fond de la Ville, car par l'autre côté, qui est maintenant la grand-route, on se serait trouvé arrêté par les fosses du château, alimentées par une eau coulant du Fond de l'Hermiterie.

En ces jours l'on était à la veille de la fête d'Awan, qui suit Jour du Vénérable Sacrement et tout le long de la route vers ce village, près des Ahelires, un homme, qu'on disait Nicolas Noëtte HALLEUX, faisait paître sa vache. Au même moment, BELLEM avait dispersé ses bêtes à laine non loin de là, sur les pâtures du château et, selon la coutume de tous les bergers de l'époque, s'occupait à tricoter tout en surveillant ses ouailles. Nicolas vint à se rapprocher du berger pour causer de choses et d'autres et il parlèrent de la fête d'Awan. Nicolas qui s'y était trouvé le matin même vantait à BELLEM les nombreux et beaux préparatifs que faisaient les casans (propriétaires fonciers, surnom demeuré jusqu'à ce jour aux habitants d'Awan) pour fêter dignement le lendemain, gros lohîs (quartiers) de viande mis à la broche, petits fins morceaux cuisant en casseroles, tartes bien dorées, gâteaux fort croustillants.

"Tiens ! Le vent souffle de là-bas et nous apporte l'odeur des fricots qui mijotent sur feu doux. On en a vraiment faim" dit Nicolas, un peu par gourmandise.

"N'es-tu pas invité pour manger demain ?" demanda BELLEM.

"Que non" dit l'autre. "Fiers assez sont pour m'avoir levé les couvercles et fait sentir le fumet de leurs bonnes choses, mais trop fiers sont pour m'avoir invité".

"Eh bien qu'à cela ne tienne, en voudrais-tu goûter ?

"Oui donc le voudrais-je ! Mais bien empêché serais-je, puisqu'ils mangeront sans moi".

"Je t"en veux faire goûter autrement que par narines, car rien ne sert de parler de bonnes choses, sinon à se faire langueter (du wallon linweter, avoir l'eau à la bouche).

BELLEM se leva, déposa son tricot, saisit sa houlette et fît un grand cercle en l'air, sans doute en disant mots qu'il faut dire... Et aussitôt s'éleva par la campagne grand vol de corbeaux noirs en criant leurs "couac ! couac !" dont ils sont coutumiers.

"Que fais-tu donc ? Crois-tu que les corbeaux nous feront part de quelques charognes ?" dit Nicolas.

"Non pas charogne, mais bon et gras fricot en sa casserole" répondit BELLEM.

Ne voilà-t-il pas que deux corbeaux plus gros que d'autres arrivent à tire d'aile, portant précautionneusement un grand chaudron qu'ils déposent devant les deux compagnons; et, le couvercle levé, virent de la belle viande nageant dans un friand bouillon.

"Mange" dit BELLEM. "C'est du bon et c'est ta part d'invité".

Ils mangèrent tout leur saoûl, ne laissant que les os dont Picard, le chien qui accompagnait alors BELLEM, fit son particulier profit. Ils eurent encore de la houlette magique un bon pot de cervoise dont ils arrosèrent leur régal.

 

Un autre jour, BELLEM était assis sur le bord d'une pâture où s'égaillaient ses brebis. C'était un pré sis au milieu du bois, non loin du hameau qu'on dit "Les Rixhons", sous le grand chemin d'Ardenne qui descend à Harzé par la Heid du Mal-venu. Quand on entendit les rudions (sonnailles) d'un messager dont l'attelage de deux forts chevaux commençait à dévaler vers le village. Tournant un peu la tête, BELLEM vit que c'était la voiture de Jean GILLES, charreton (conducteur de chariot) qui, chaque semaine transportait des denrées vers la ville et qui souvent, après avoir bu, avait mal parlé au berger. BELLEM connaissait l'homme pour être violent, d'humeur non accommodante, et dont le bras et le fouet n'étaient pas à dédaigner. 

L'attelage atteignit la Heid du mal-venu et Jean GILLES se préparait à placer des clapettes (pièces de bois servant à enrayer les roues, ce qui était la manière ancienne de freiner sur une descente) car la pente était raide vers le Parc (lieu ainsi nommé parce qu'il servit de campement au parc d'artillerie et de charroi d'une armée de 80.000 hommes, de Charles de Lorraine, le 2 septembre 1746, lors de la guerre de succession d'Autriche, voir "Harzé épargné" sur le site). Mais subitement l'attelage s'arrêta comme si les chevaux étaient enracinés des quatre pieds. Le messager siffla alors doucement, comme le font tous les conducteurs de chevaux pour hâter l'épanchement de l'urine de ces bêtes mais rien ne venait. Il donna alors quelques coups de fouet en l'air mais les chevaux ne bougeaient toujours pas. Il les toucha alors du fouet, d'abord gentiment puis de plus en plus sévèrement, mais rien n'y fit. GILLES descendit de voiture et vérifia les traits, les roues, la ferrure des chevaux et tout mais ne remarqua rien d'anormal. 

Alors, jetant les yeux autour de lui, il aperçut BELLEM bien tranquille mais il eut grand soin de ne rien dire mais tournant autour de sa charrette et des chevaux, fit-il une courte oraison ? Nul ne le sait, mais à peine avait-il fini son tour et reprit sa place aux commandes, que les chevaux partirent comme s'ils avaient reçu de la fraîche avoine  et sans que leur maître les eût touchés. Et d'un élan descendirent la Heid du Mal-venu et le chemin vers Harzé, par les prairies du Parc, en laissant à droite le Pré de l'Oneux.

Mais, oyez la merveille !  Au même instant et sans pouvoir s'en empêcher, voilà que BELLEM, son chien, ses brebis se mirent en marche malgré eux et sans avoir apparemment reçu un avis de personne et ils suivirent l'attelage sans pouvoir s'arrêter, tirés en avant par une force inconnue. Ils arrivèrent au fond de la vallée, sous le Parc, de là, toujours plus vite passèrent devant le moulin, traversèrent le Fond de la Ville, comme si le loup les eût suivis, et à la grande surprise de chacun , tout aussi rapidement montèrent vers le Pré Thiard, la rampe de la Basse et les Ahelîres. Et ainsi firent jusqu'à ce que le berger, les yeux hors de la tête et le corps en sueur eût pu tirer son fameux livre de sa poche et trouver la page qu'il fallait. Et alors, il leva sa houlette en la tenant haute puis étendue en travers du chemin tout comme depuis l'on vit manoeuvrer le tambour-major aux revues du grand Napoléon. Et alors seulement homme et bêtes s'arrêtèrent. Picard avait une langue d'un pied qui pendait devant lui et plus d'une brebis boitait. Quand à BELLEM il tomba en grande faiblesse au bord du chemin et se laissa ravoir. puis se relevant grommela :"Toi, je te connais maintenant ! Plus fort que moi ai-je rencontré. Jamais plus ne m'y frotterai !"

Et cette nuit là, comme beaucoup d'autres nuits depuis lors, le berger ne put trouver le sommeil mais il se retourna dans son foin et ne fit que gémir, comme s'il eût été moulu de coups. Comme quoi se baisser il faut quand lever la tête on ne peut; et aussi : toujours on finit par trouver plus fort que soi ...

BELLEM,  un jour faisait paître ses brebis près de la ferme de Piromboeuf, à la limite des terres de Harzé. Il vit de loin s'approcher une pimpante péronnelle, de son plus beau vêtue, avec une robe à falbalas, un vantrain (tablier) brodé,  coiffe fraîchement tuyautée et sur elle tout ce qu'elle avait de bijoux et elle se rendait à la fête de Xhoris, à moins que ce ne soit de Ville ou d'autre lieu. Fièrement elle se dandinait en pensant à ses amoureux et se réjouissant du plaisant effet qu'elle ferait aux danses et à la doreie qu'elle se verrait offrir par les garçons mais dont trop ne mangerait à cause de son corset bien serré. C'était la fille d'un gros censier du pays assez moyennée pour s'offrir des bas de soie et des pendants d'oreille en vrai or. 

Toujours plus fièrement elle allait à petits pas,  se figurant voir des fleurs des champs s'incliner au vent pour la saluer à son passage et entendre des coqs de pré striduler pour lui faire sérénade. Elle arriva près du berger qui la regardait venir et encore plus fièrement elle se redressa en passant son chemin, dédaignant saluer ce miséreux hère.

Après un moment qu'elle fut passée, tout à coup elle crut qu'une mouche la piquait et elle releva vivement son cotillon pour chasser la bête malfaisante mais elle ne vit aucune mouche. Au même moment son cou lui démangea puis le bras, la jambe et le reste, que par décence je ne peux citer. D'un coup elle s'assit par terre, à grand dommage de sa belle robe à paniers et jetant un rapide coup d'œil sur sa jambe bien faite et sa poitrine rebondie, elle se vit toute noire de poux ! Puis sans faire de grâce mais pleurant fort, s'en retourna et repassa devant le berger, bien moins fière que quelques instants avant.

"Eh bâcelle, que vous arrivera-t-il donc ? Et pourquoi êtes-vous maintenant si pressée ? Auriez-vous quelque chose perdu ? Ou bien oublié votre boursette ?" cria BELLEM.

"Oh non berger, mais...mais..."

"Mais quoi donc ma belle ?"

"Mais voici que je suis couverte de petites bêtes.  Et cela dévore et cela démange."

Ah  ah ! Et bien ma petite il faudra bien rentrer chez vous pour vous en débarrasser et donc, adieu la fête, la doreie, les danses et vos beaux amoureux ! Une autre fois, voyez-vous, soyez un peu plus honnête et n'oubliez pas de saluer le berger !"

Mais la jolie, toute en larmes, n'écouta pas le reste et se ramassa et s'encourut d'une traite en son logis. L'histoire conte qu'en arrivant chez elle, la jolie fille ne trouva ni ne sentit plus aucune  bestiole. Mais il était alors trop tard pour aller à la fête et elle dut se contenter de manger les restes. Mais aussi, jamais plus elle ne rencontra le berger sans lui faire sa plus belle révérence.

 

BELLEM vint encore à se trouver une autre fois sur le passage de son seigneur, le baron de Rahier quand celui-ci se rendait à la chasse. Le baron remarqua le beau maintien de Picard, le chien du berger.

''Je gage que pareil chien rapporterait gibier si on l'en priait tant seulement !" dit-il.

"Certes, à votre gré" répondit BELLEM.

"Je voudrais voir cela." insista le baron.

Et  BELLEM, lançant son chien vers le bois tendit sa houlette et sur lui-même fit un tour. Il ne s'écoula pas le temps d'un pater que Picard revint tenant dans sa gueule un lièvre de belle taille. Puis, encore au gré du seigneur, rapporta connin (lapin), géline (femelle du coq de bruyère) ou perdrix.

De quoi s'émerveillait si fort le seigneur qu'il voulut à tout prix avoir le chien pour s'en servir à la chasse. Mais ni pour or ou argent BELLEM ne consentit à s'en séparer, disant que par destin l'homme et la bête étaient liés et ne garderaient vie et santé qu'en s'occupant, selon leur condition, à garder brebis. Le baron voulut séduire le chien avec des appâts de viande mais il échappa de peu à la colère et aux morsures de Picard comme si celui-ci comprit qu'on veuille le séparer du seul être qui avait du pouvoir sur lui.

Vers ce temps, le baron vendit Harzé à son frère Jules-Ferdinand de Rahier, ainsi que plusieurs de ses autres domaines, par condition simplement que le cadet payerait les dettes de son aîné. Mais la mort qui n'attend pas ne lui laissa pas le temps de regagner ses économies, il mourut en 1752. C'est un autre frère qui hérita de Harzé : Ferdinand-Henri-Joseph qui ne trouva non plus le temps de s'y plaire ou déplaire car il mourut en 1759 mais Harzé resta dans les mains des de Rahier puisque c'est son fils Ferdinand-François-Florent qui hérita puis le frère de celui-ci, Louis-Claude Joseph, seigneur de Rahier, Sprimont, Viatour (Villers aux Tours), Fraipont, Harzé etc ... Il partageait la seigneurie avec son frère Jules-Ferdinand-Louis, et put se vanter de chevaucher de Rahier à Esneux sans quitter ses terres car il avait fait l'acquisition de la seigneurie d'Aywaille en 1782. Malheureusement, les deux frères étant atteints de troubles mentaux durent vivre sous curatelle jusqu'à la fin de leurs jours.

Les années passèrent et BELLEM était devenu premier berger et, avec l'âge, lui venait peu à peu le dégoût d'user à tout propos des singuliers pouvoirs qu'il avait reçu. Il y avait maintenant plus de trente ans qu'il était berger à Harzé et les circonstances forts tristes des deux frères sous curatelle décida le berger à quitter le village.

On le retrouve à Renne en pays de Stavelot puis à Awan. Il devient même un temps berger errant. On le croise à Comblain au Pont, à Comblain la Tour, à Aywaille, aux alentours du champ de bataille de la bataille de Sprimont, il est alors âgé de 69 ans. Il reste à Filot une année où le censier chez lequel il travaille le met à la porte après que BELLEM ordonna à de petits diablotins rouges d'épandre du fumier sous les yeux de son maître.

Plusieurs années (on peut supposer 4/5 ans) encore le vieux berger continua ses pérégrinations par villages, l'été louant ses services à qui en voulait (et ils étaient de moins en moins nombreux...) et l'hiver demandant de la nourriture durant le jour, et le soir logis aux bonnes gens, spécialement en diverses censes où jadis il avait servi.

Un soir de novembre, par temps brumeux, il finissait sa tournée à Harzé (qu'il avait toujours regretté) descendant le village il arrivait aux dernières maisons du Fond de la Ville quand un grand frisson le prit, accompagné de tremblements. il demanda à la première porte qui se présenta une tasse de chaud breuvage et de pouvoir un moment se laisser ravoir, car dit-il :"j'ai froid jusqu'à l'âme et ne sait ce qui va m'arriver". Et bonnes gens, tout en alarme, lui avancèrent une chaise près de la couleie, ranimèrent le feu clair et lui firent boire quelques gouttes de pèquet. De quoi il parut bien réconforté. il leur conta que "l'autre jour il avait été saisi de froid, passant par Xhoris mais qu'une bonne nuit l'avait retapé." Et les gens, bien pitoyables, lui accordèrent de passer la nuit en cette chambre où le feu couvait en l'âtre sous les cendres. Ce qui, vraiment, parut le remettre tout à fait.

Le lendemain, tôt le matin, il but du lait bien chaud mais ne put rien d'autre avaler. Et les gens, craignant pire chose, s'en furent chez le curé du village, sire Hubert GEUTKIN, lui demandant s'i avait un remède, sur quoi, fort empressé le curé s'en vint auprès de BELLEM, mettant à profit toute sa science et lui fit prendre une tisane de verveine et de sauge et lui offrit même de mander l'officier de santé d'Aywaille, ce que refusa le vieux berger, disant qu'il se sentait mieux. Il lui toucha aussi un mot des nécessités de son âme, lui recommandant de bien penser que nous sommes tous mortels et que la miséricorde de Dieu est grande. Mais aux premiers mots BELLEM l'arrêta, disant qu'il avait toujours vécu sans ce souci, s'efforçant de faire le bien et ne jouant des mauvais tours qu'à ceux qui lui cherchaient du mal. Et, pour couper court, il ajouta que la vie de chacun est ainsi tracée et qu'on ne peut s'en écarter et que pour lui, avec les "Noirs" ça devrait aller parce que c'était écrit ainsi. Sire GEUTKIN ne s'entêta pas, disant seulement qu'il voulait prier pour lui. Sur ce, BELLEM qui se sentait plus dispos, reprit son bourdon et s'en alla, traînant la patte et toussant péniblement, quoique bonnes gens l'eussent encore prié de rester. 

Mais il n'alla pas loin, par le pré Thiard vers Awan il avança à grand effort tandis que la bise faisait voler les pans de sa vieille houppelande et que la froidure du temps le pénétrait. Il dut souvent se reposer en chemin, jambes flageolantes et yeux brouillés de larmes lui refusant service, mais se ramassant toujours plus las, sous la morsure de ce mauvais vent de brume, à grande difficulté il arriva à Awan, droit à la cense où il avait travailé il alla et par pitié un petit coin auprès du feu et quelque chose de chaud à boire il demanda. Le censier FLAGOTHIER lui donna une place sur le banc dans la cuisine et une grande jatte de soupe chaude, en lui souhaitant une bonne santé. Et ainsi passa le jour.

Mais au soir, le berger sembla être atteint d'une mauvaise fièvre et les frissons revinrent plus forts, il passa une nuit fort mauvaise, couché sur une botte de paille au meilleur coin de la cuisine où il faisait bon. Il bredouilla toute la nuit de brebis noires et de brebis blanches, de menaces, de plaintes. Le matin il avait une plus mauvaise mine encore. 

Le censier délibéra avec sa femme, ils demandèrent d'abord à BELLEM s'il avait encore des gens de sa famille que l'on pût prévenir, à quoi ll répondit :"que père et mère depuis longtemps en l'autre monde étaient, d'oncles ni de tantes, point n'avait connaissance, non plus que de frères ou de cousins, mais seulement d'une soeur, que depuis longues années n'avait revue et qui près de Bomal, ou par là, demeurait".

Sur quoi, voyant le vieux berger en mauvaise posture, censier et censeresse firent préparer leur meilleure charrette, bien renfermée de tous les côtés, laquelle garnie de paille fraîche, et y firent monter BELLEM, auquel ils souhaitèrent bon voyage, mais n'osèrent rien ajouter pour son retour... Ils le firent mener en cet équipage là où il avait dit que sa soeur demeurait, du côté de Fanzel.

Bonnes gens du voisinage,par charité, aidèrent BELLEM à entrer, à se coucher et à lui donner des soins et du réconfort. Mais sa soeur ne pouvait le garder car il se démenait et rêvait constamment tout haut et aussi parce qu'il était couvert de ces petites bêtes que si souvent à autres il avait envoyées jadis. Il trouva gîte dans une grange qu'on appelle Grange Collignon, habitée en ce temps-là par un nommé BROUIRE, qui vivait seul et voulut bien lui faire de la place auprès de lui. Vint aussi le curé du village qui, d'abord, fut rebuté par BELLEM comme l'avait été celui de Harzé, et même le rabroua, disant que lui et ses pareils sentaient la mort rôder à une lieue comme les corbeaux sentent des cadavres. Mais, s'étant informé, le curé apprit à qui il avait à faire et il sut bien s'y prendre, alors il lui parla doucement et le conseilla si bien qu'il parvint, non sans patience et persévérance, à lui faire détester sa vie passée et accepter l'idée de se repentir. Et je ne veux, comme d'aucuns disent, croire que BELLEM mourut impénitent, sur un peu de paille, après plusieurs jours de cris, hurlements et sursauts; mais qu'il accepta peu à peu tout ce que lui suggéra le curé, notamment de faire brûler le grimoire qu'il avait toujours conservé et de se soumettre à exorcismes et cérémonies d'église.

On raconte que le curé sua des grosses gouttes quand les meubles s'agitèrent, que les chaises se renversèrent, que les lumières diverses fois s'éteignirent et même des cierges bénis. Jusqu'à ce que, un jour, à force d'eau bénite et d'orémus, vapeur puante sortit de la chambre avec grands bruits et grondements sourds comme de tonnerre. Mais le curé fit tant et si bien que tout se calma. Alors BELLEM reçut tous ses droits. Et peu de jours après, rendit son âme à Dieu.

Aujourd'hui, aux légendes du temps passé, plus ne se trouve créance parmi la jeunesse de ce temps. Et, cependant, comme l'écrivit un vieil auteur anglais en tragédie qu'on dit de Hamlet, prince de Danemark, il est dit : Le ciel et la terre recèlent plus de mystères que nos philosophes ne se l'imaginent". (citation du Hamlet de Shakespeare, Acte 1, scène 5).

Et se taira ici l'auteur, sans dire mot plus avant, de peur d'ennuyer lecteur et de s'entendre dire comme en certains lieux quand on veut fermer bouche à hâbleurs (personne qui a l'habitude de parler beaucoup, en exagérant, en se vantant). : "Taisse-tu va, Bellem". (Tais toi donc, Bellem).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date de dernière mise à jour : 26/01/2020

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